À l’Ehpad, des aînés se mettent à la boxe : « C’est presque magique l’effet que ça a sur eux »

Depuis un an et demi, l’Ehpad Le Grand pré, à Alboussière, propose des séances de boxe adaptée à ses résidents, âgés de 68 à 100 ans. Nous avons assisté à l’une d’elles, et l’enthousiasme est palpable.

« Allez Odette, uppercut ! » Sans hésiter, la nonagénaire lève le poing à la façon d’un Mike Tyson. Depuis un an et demi, le vocabulaire de la boxe n’a plus de secret pour une quinzaine de résidents de l’Ehpad Le Grand pré, à Alboussière. Chaque vendredi après-midi, après la sieste, ils se retrouvent assis en cercle autour du grand Rony – Ronald Bavarin, un éducateur sportif formé à la boxe adaptée et intervenant pour l’association Aktiveco.

Après l’échauffement de la nuque et des poignets, les seniors mobilisent leur mémoire : direct droit, direct gauche, garde, uppercut… Rony annonce les mouvements et ses élèves enchaînent les gestes mémorisés, poings ouverts ou fermés selon ce qu’impose leur arthrite. « Ça fait travailler mes mains, sinon je ne les bouge pas », explique la souriante Violette, 100 ans et « un bon direct du droit », d’après Rony.

« Au début, on nous a regardés avec de grands yeux »

Sa voisine, Olga, nouvelle arrivée dans la résidence, était un peu réticente à l’idée de rejoindre l’activité boxe. « Et puis j’ai suivi les copines, ça permet de s’intégrer et ça fait faire de la gymnastique », sourit-elle. Elle n’est pas la première à avoir hésité. « Au début, on nous a regardés avec de grands yeux, ils nous disaient “je ne veux taper personne”, s’amuse Adeline, animatrice à l’Ehpad. Et puis ça s’est bien rempli, on a jusqu’à 17 personnes par séance. »

Des femmes en majorité, nonagénaires pour la plupart. « C’est l’activité que je préfère », confie Josiane, « 95 ans et demi » et même pas fatiguée après une heure de sport. Elle qui trouve que « l’escrime, c’est trop lent », ne se contente d’ailleurs pas du cours de boxe du vendredi. Elle fait partie du petit groupe plus aguerri qui participe aux deux temps de perfectionnement mensuels. Elle avoue pourtant n’avoir jamais fait de sport avant. « Ça m’a pris à l’Ehpad, il n’est jamais trop tard », plaisante-t-elle.

Rony Bavarin, de l'association Aktiveco, anime des séances de boxe adaptée à l'Ehpad du Grand pré, secondé par Adeline.

Trois autres Ehpad boxent en Ardèche

« C’est une activité qui prend bien de partout, s’enthousiasme Rony, qui vient du basket-ball. Ça renforce les muscles du haut du corps et c’est surtout un bon défouloir, c’est presque magique l’effet que ça a sur eux. » Il n’y a qu’à voir Jean-Louis se lâcher sur le punching-ball. « Ah non pas de gros mots ! » le refrène Adeline en riant.

Sylvain Guillaume, le directeur de cet Ehpad de 60 résidents, déjà convaincu par le sport-santé (la résidence propose également de l’escrime, du handisport et de la danse assise), y voit aussi un effet sur la consommation de médicaments, comme les antidépresseurs.

D’ailleurs, il a été lauréat, avec trois autres Ehpad ardéchois (à Guilherand-Granges, Saint-Péray et Vernoux-en-Vivarais) d’un appel à projets de l’Agence régionale de santé (ARS) sur la prévention des chutes. Les quatre établissements ont ainsi obtenu le financement d’une séance de boxe adaptée par semaine pendant un an (18 000 €). « On espère que le financement sera renouvelé, glisse le directeur. Mais de toute façon, on continuera ». Sinon, gare au crochet de Josiane !

« Vieillir en meilleure forme » grâce au sport

Boxeur depuis 20 ans, Clément Bonnefoi, fondateur d’Aktiveco, a tout naturellement intégré cette passion à la palette d’activités physiques adaptées qu’il propose en tant que coach sportif spécialisé dans les personnes âgées ou en perte d’autonomie. « Quand je vais en Asie, je vois que beaucoup de personnes âgées continuent à faire du sport en autonomie, sur des appareils de musculation notamment, ce qu’on ne voit pas en France », explique le Valentinois de 36 ans. « Il faut que ça entre dans notre culture collective, pour qu’on vieillisse en meilleure forme. » S’il intervient pour du coaching individuel à domicile, il a aussi formé deux intervenants extérieurs, dont Rony, pour enseigner la boxe adaptée en Ehpad. « C’est un sport que je souhaite démocratiser parce que c’est facile à mettre en place et ça combine renforcement musculaire et travail de la mémoire sans qu’on ne s’en rende compte », souligne Clément Bonnefoi. Et pour les résidents d’Ehpad, « ça change du quotidien ». Outre les quatre établissements ardéchois subventionnés par l’Agence régionale de santé, Aktiveco est intervenu dans plusieurs résidences pour seniors de la Drôme.

Le Dauphiné Libéré • 22 avril 2025

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