Création d’un tiers-lieu intergénérationnel propice aux activités physiques

L’activité physique adaptée aide les personnes âgées à préserver leur autonomie et leur santé. Elle concourt au bien-être. Afin d’allier cette proposition à des interactions sociales, l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes d’Alboussière a créé un espace équipé de modules et jeux ouvert aux écoliers. Des séances sportives mixtes résident-élève y sont régulièrement proposées.

La résidence Le Grand Pré située à Alboussière (Ardèche) propose à ses 60 résidents et aux 70 élèves de l’école du village (âgés de 5 ans à 10 ans) des rencontres intergénérationnelles via des ateliers d’activités physiques adaptées (APA). Le sport constitue une réelle opportunité de (re)créer des liens forts et durables entre les enfants, les adolescents, les adultes et les seniors.

Les bienfaits des APA en Ehpad

Les profils des résidents

Le profil des résidents qui peuvent participer aux APA est très large.
L’enjeu pour les personnes qui sont capables de marcher est de conserver leur autonomie de mobilité le plus longtemps possible, mais dans des conditions sécurisées. Pour cela, nous devons agir sur trois composantes en même temps : la force, l’équilibre et l’aptitude physique aérobie1. Cette dernière est définie par deux composantes : la consommation maximale d’oxygène et le seuil ventilatoire.
Les personnes en fauteuil peuvent réaliser des activités physiques assises ; l’objectif est qu’elles puissent continuer à se déplacer en autonomie, et le cas échéant à effectuer leurs transferts.
Les personnes âgées ayant des déficiences visuelles ont un champ visuel et une sensibilité aux contrastes diminués, ce qui majore le risque de chute par non-repérage des obstacles. Les propensions aux chutes sont importantes, surtout si elles sont associées à des troubles de l’équilibre. Chez les personnes qui ont des troubles auditifs, la difficulté sera de bien faire comprendre les consignes. Pour lutter contre l’isolement des individus qui ont des troubles neurosensoriels, on privilégiera les séances collectives [1].
Après évaluation de leurs facultés, certaines personnes présentant des pathologies de démence peuvent accomplir des APA [1] pour exercer leurs compétences motrices, en particulier la marche et l’équilibre. En effet, ces résidents manifestent une maladresse motrice, un ralentissement, un risque de chute. Si certaines renoncent à se mouvoir, d’autres peuvent parcourir des kilomètres dans la journée (veiller aux apports hydriques et caloriques dans ce cas). Ces exercices favorisent la conscience du schéma corporel, préservent les capacités fonctionnelles, renforcent la confiance et l’estime de soi, améliorent l’humeur et contribuent à maintenir la qualité de vie, voire retarder l’évolution de la maladie.

Les bénéfices sur la santé

Les bienfaits de l’activité physique sont reconnus, y compris chez les personnes âgées, et agissent sur le déclin des capacités respiratoires, le maintien des capacités cardiorespiratoires, la lutte contre les troubles métaboliques, la réduction de l’anxiété et des états dépressifs [2], [3], l’entretien global de la forme physique, des capacités fonctionnelles et la prévention des chutes (travail de la posture et de l’équilibre). Elle renforce également la lutte contre la sarcopénie2. Elle améliore la qualité du sommeil. Elle peut conduire à la diminution des traitements médicamenteux.
Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer [4], on relève aussi des bénéfices sur la désorientation spatiale, la stimulation du cerveau et la cognition, l’entretien du schéma corporel, la régulation de l’humeur. En outre, plus on pratique de l’exercice physique, moins on est à risque de faire une maladie d’Alzheimer d’autant plus que l’activité est diversifiée [5].

Description et objectifs du projet

L’objectif est de proposer des séances sportives mixtes où se mélangeraient toutes les générations. Pratiquer ensemble une activité physique est source de bien-être et de partage. Il est proposé de reproduire ces échanges entre la résidence et l’école primaire d’Alboussière. Les enfants pourront se rendre à pied à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui se situe à proximité. Nous souhaitons également faire participer aux APA quinze élèves en situation de handicap, accueillis dans une institution médico-éducative (IME). Un projet de rencontre intergénérationnelle avait déjà eu lieu avec l’IME de Grozon au cours de l’année scolaire 2019 ; les enfants avaient alors construit un poulailler pour les résidents.
Pour ce faire, un parcours d’activités physiques pour enfants et résidents de l’Ehpad ouvert sur l’extérieur doit être aménagé3 (figure 1). Ainsi, les enfants de l’école et des IME pourront venir à n’importe quel moment sans forcément prévenir. Une session mixte enfants-résidents est prévue tous les quinze jours, avec l’accompagnement d’une salariée à temps partiel de l’Ehpad, titulaire d’un certificat de qualification professionnelle sport4, et du corps enseignant de l’école.

Figure 1 : Implantation du tiers-lieu ouvert au sein de la résidence.

Mise en place de l’espace

L’aménagement (figure 2) comprend un sol souple amortisseur de chute et antidérapant et différentes zones, toutes prévues pour travailler des compétences différentes chez les enfants et les personnes âgées. Par exemple, un passage “naturel” constitué de sable, galets, copeaux de bois propose ainsi différents types de surface pour exercer l’équilibre statique et dynamique. Une passerelle rampe/escalier ergonomique et antidérapante a le même objectif en montée et descente ; les muscles des membres inférieurs sont renforcés. Des jeux sont installés pour la motricité fine et l’attention : panneau labyrinthe sur lequel déplacer un palet, cavatina (xylophone) multicolore. On trouve encore des manivelles pour la mobilité des membres supérieurs ou un plateau d’équilibre assis.

Figure 2 : Équipement du tiers-lieu : passage naturel, passerelle, panneau labyrinthe, manivelles, plateau d’équilibre assis, cavatina, banc.

Ce tiers-lieu est créé conformément aux recommandations de bonnes pratiques et orientations de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) [6].
Pour conserver leur autonomie de mobilité le plus longtemps possible, certains résidents entretiennent la force, l’équilibre et l’aptitude physique aérobie.

Bénéfices attendus

Les bénéfices attendus du projet sont multiples : amélioration du bien-être, de la santé et de la qualité de vie des enfants et résidents, facilitation des interactions sociales. Pratiquer une activité physique en intergénérationnel permet souvent d’abandonner des préjugés répandus vis-à-vis des personnes âgées et leur rapport au sport ou de l’éducation des jeunes, prétendus insolents et impertinents (encadré 1).

Encadré 1

Différentes activités physiques intergénérationnelles sur le parcours de santé
Il s’agit de faire plusieurs groupes enfants-résidents pour faire un circuit au sein du parcours de santé qui se basera sur des ateliers de mémoire, d’équilibre, de mobilité et d’entraide :
• le xylophone : mélodie simple à faire répéter par le binôme élève-résident en écoutant le son et en énumérant les couleurs ;
• le passage naturel : exercices d’équilibre, tenir trois secondes sur une jambe, faire des montées de genoux en avançant sur les différentes matières au sol en essayant de lâcher les rambardes le plus souvent possible ;
• le plateau d’équilibre : assis sur le plateau, lever d’abord une jambe, tenir l’équilibre, puis lever les deux tout en étant encouragé par son binôme qui exécutera les mêmes mouvements par la suite ;
• le panneau labyrinthe : guider l’autre pour faire descendre le palet ;
• la passerelle rampe : un élève se tient à une rampe et un résident sur celle d’en face, ils devront traverser le pont en se mettant sur les pointes des pieds les quatre premiers pas et ensuite sur les talons les quatre suivants ;
• les manivelles de mobilité : il y en a deux, ils devront donc chacun faire cinq tours de manivelle vers l’avant et ensuite vers l’arrière.

Le but des groupes est de créer un lien entre les élèves et les résidents, d’améliorer leur bien-être, qu’il y ait une bienveillance, de se dépenser pour avoir un meilleur sommeil, de passer un très bon moment intergénérationnel.

Marianne Roux

Conclusion

L’activité physique est bénéfique aux personnes en perte d’autonomie.
Le projet intergénérationnel fait l’objet d’une évaluation du projet via un questionnaire de satisfaction destiné aux élèves comme aux résidents. Des indicateurs de bien-être chez les élèves et résidents seront quantifiés avec une grille, de même que la baisse de la consommation médicamenteuse pour les résidents.

Motiver les personnes âgées à suivre une APA

La motivation des seniors doit être soutenue en agissant sur plusieurs leviers :
• proposer un programme d’APA avec des exercices simples techniquement qui favorisent l’adoption d’une routine quotidienne ;
• organiser la participation en groupe et préserver la vie sociale ;
• valoriser les habiletés motrices et le niveau de santé ;
• solliciter l’influence ou le soutien du conjoint, de la famille et des amis ou du personnel ;
• faciliter l’accès aux équipements.

Sylvain Guillaume (Directeur) – Marianne Roux (Aide-soignante et intervenante en APA)
ScienceDirect.com • 25 avril 2025

Références

[1] D. Lellouche
Activité physique et vieillissement dans la prise en charge de la personne âgée en Ehpad. Rôle du médecin coordonnateur [Mémoire DIU médecin coordonnateur d’Ehpad]
Faculté Cochin-Port-Royal, Université Paris-Descartes, Paris (2011-2012)
Google Scholar

[2] Bacquaert P. Les effets d’une activité physique sur l’organisme. 25 janvier 2024. www.irbms.com/les-effets-dune-activite-physique-sur-lorganisme.
Google Scholar

[3] Gallouj K. Activité physique et vieillissement. 2011. http://pirg.fr/wp-content/uploads/2011/12/Dr-GALLOUJ-Activite_physique_et_vieillissement.pdf.
Google Scholar

[4] Bacquaert P. Alzheimer et activités physiques. 6 janvier 2014. www.irbms.com/alzheimer-activites-physiques.
Google Scholar

[5] .J. Podewils, E. Guallar, L. Kuller, et al.
Physical activity, APOE genotype, and dementia risk: finding from the cardiovascular health cognition study
Am J Epidemiol, 161 (7) (2005), pp. 639-651
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[6] Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Tiers-lieu en Ehpad : un guide et une boîte à outils pour les porteurs de projet. Septembre 2023. www.cnsa.fr/actualites/tiers-lieu-en-ehpad-un-guide-et-une-boite-outils-pour-les-porteurs-de-projet.
Google Scholar

Notes

  1. L’exercice aérobie (ou d’endurance) vise à renforcer la capacité des systèmes cardiopulmonaire et musculaire à transporter l’oxygène dans les muscles et à effectuerle travail musculaire. ↩︎
  2. Perte de masse musculaire avec l’âge ainsi que les conséquences engendrées sur la composante musculaire puis sur les capacités fonctionnelles. ↩︎
  3. Travaux et installation du parcours 56 000 euros toutes taxes comprises (TTC) ; 10 000 euros de charges de personnel déployé par l’Ehpad. Financement : Fondation des hôpitaux (25 000 euros), Résidence Beauregard à Vernoux-en-Vivarais dans le cadre d’un partenariat mécénat de compétence (10 000 euros), Lions Club de Saint-Peray (4 500 euros), Fondation des lions de France (675 euros), fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) (8 960 euros), fonds propres (1 261 euros), caisses locales du Crédit agricole de Vernoux en Vivarais et Saint Peray (6 000 euros). ↩︎
  4. Délivré par l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique. ↩︎
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