Un Ehpad ardéchois déploie l’approche Snoezelen

L’Ehpad Le Grand Pré à Alboussière, en Ardèche, a adopté la méthode Snoezelen pour accompagner ses résidents. Cinq assistants de soins en gérontologie et une animatrice sont aujourd’hui chargés d’impulser une dynamique de changement des pratiques professionnelles par un accompagnement non médicamenteux.

Contraction de «Snuffelen » (renifler, sentir) et « Doezelen » (somnoler), Snoezelen est une activité de prendre soin créée dans les années 1970 aux Pays-Bas et implantée en France depuis les années 1990. Elle propose de vivre une relation privilégiée de communication sur le mode sensoriel dans un espace sécurisé favorisant le bien-être. La démarche est centrée autour de la construction d’une sécurité psychocorporelle, dans un cadre contenant et une relation individualisée. Elle s’articule autour de propositions d’expériences adaptées de différentes modalités sensorielles, visuelles, sonores et tactiles, dans le respect de la personne et de ses rythmes. L’objectif est de permettre à la personne d’être actrice et soutenue de manière empathique et attentive par les soignants. La proposition d’expériences autour du relâchement et de la réduction des tensions favorise ainsi un mieux-être potentiel. Les objectifs visés sont de plusieurs ordres : induire un état de détente, de bien-être et de sécurité; diminuer l’angoisse et les troubles du comportement; favoriser la communication verbale et non verbale; Proposer des expériences sensorielles diverses et variées; faire appel à la mémoire sensorielle et affective; favoriser la motivation, l’initiative motrice; procurer un moment hors du temps institutionnel et des contraintes. Cette approche est aussi très valorisante pour le personnel qui se sent reconnu et considéré. L’aspect humain est fondamental et constitue un levier primordial de fidélisation du personnel dans un contexte de pénurie des emplois du secteur du grand âge.

L’expérience de l’Ehpad Le Grand Pré

À Alboussière, chaque salarié formé dispose d’un temps dédié (une journée de 7 heures par semaine) pour accompagner les résidents dans des moments privilégiés (toilette thérapeutique par exemple) avec ou sans le chariot Snoezelen acheté par l’établissement grâce au financement du Lions Club de Saint-Peray. Une journée de formation devrait être proposée chaque année afin d’assurer un suivi et entretenir la motivation de l’équipe. Mais après seulement deux mois de pratique dans l’établissement, les bénéfices pour les résidents sont déjà visibles, constate le directeur. Preuve s’il en faut de la pertinence du dispositif inscrite dans le cadre des thérapies non médicamenteuses.

En effet, l’équipe enregistre un regain d’intérêt des personnes pour leur environnement, le retour du plaisir (rires, sourires, mimiques d’émerveillement), l’envie de jouer et l’amélioration de divers troubles neuropsychiatriques (dépression, idées délirantes, apathie, désinhibition, agitation motrice, troubles de l’appétit). L’équipe observe également une tendance à la réduction des traitements médicamenteux, la diminution de douleurs physiques et de stress, pour le résident comme pour les professionnels.

« S’il n’y a pas a priori de contre-indication à l’utilisation du Snoezelen, il faut tout de même prendre des précautions », ajoute la formatrice. Attention aux manifestations psychocorporelles et à la communication non verbale. Il faut savoir décrypter tous les signes d’angoisse, de désir d’arrêter ou de refus de la relation. Attention aussi aux risques de surstimulation. La notion de cadre est importante (lieu, régularité, stimulations sensorielles … ). Les ambiances visuelles et sonores offrent une rupture avec les lieux de vie de l’institution et certaines stimulations peuvent provoquer des réminiscences de souvenirs anciens (empathie, écoute et soutien).

Snoezelen, en pratique

Au début de la séance, le matériel est installé pour créer un environnement contenant et apaisant. L’acclimatation débute dès le premier contact avec la personne. C’est une période de transition, un sas, qui permet une entrée en douceur dans cet environnement particulier. Le soignant reste ensuite auprès de la personne pour effectuer un accompagnement fondé sur l’écoute et la disponibilité. L’accompagnateur anticipe la fin de la séance pour que le passage hors de la salle se fasse en douceur. Si la personne souhaite prolonger le moment, les différentes stimulations seront éteintes et la lumière rallumée en verbalisant chaque changement de situation. À l’issue de la séance, « la réappropriation et l’évaluation » permettent d’analyser et mesurer les évolutions individuelles (bénéfices, temps d’adaptation, modifications comportementales dans et hors de l’espace ou de l’atelier …).

ÊTRE UN BON ACCOMPAGNATEUR: QUELLES QUALITÉS?

Être motivé et avoir envie de s’impliquer, être disponible, prendre le temps, être patient, faire preuve de créativité et d’imagination, être conscient des bienfaits de la méthode, faire attention au cadre, être détendu, moduler sa voix et son comportement (rester dans le champ visuel, avoir une attitude d’écoute, verbaliser ou non…), ne rien attendre, être dans un accompagnement, une proposition plutôt que dans l’action, garder le contact visuel et/ou tactile, faire attention à son positionnement.

Pour mémoire, l’approche Snoezelen mobilise les 5 sens

Le toucher massage : On ne peut toucher sans être touché. Il faut être totalement disponible et à l’écoute quand on réalise un toucher-massage. La condition principale est d’en avoir envie. Le soignant doit avoir confiance en lui, se sentir à l’aise, oser. Il faut également trouver la pression idéale pour que le toucher ne soit ni une caresse, ni une douleur. Le soignant doit valoriser le corps de la personne, lui montrer qu’il peut encore ressentir du bien-être (massage des mains, du visage…).

La stimulation tactile : Elle permet la découverte ou redécouverte de sensations favorisant la communication verbale et non verbale. Il est possible de toucher des matières différentes (coussin tactile, foulard, balle à picots, fibres optiques…).

La stimulation visuelle : Les stimulations visuelles, matières réfléchissantes et contrastes de couleurs pour attirer l’attention peuvent être réparties dans la pièce.

La stimulation auditive / la musique : Certaines séances sont basées sur la stimulation auditive à partir de CD ou d’instruments de musique. Le son est ici utilisé comme outil: une musique calme invitera à la détente, des musiques classiques connues permettront aux personnes de fredonner, chanter et faire émerger des souvenirs, une musique plus rythmée donnera envie de frapper des mains, une valse de danser.

La stimulation gustative : Goûter à différentes saveurs en fonction de la saison par exemple: fraises, framboises, tomates… Placer des chocolats dans un endroit de la salle, prendre une collation au cours de la séance…

La stimulation olfactive : Elle est possible grâce aux huiles essentielles: la menthe poivrée (tonifiante, stimulante), l’eucalyptus (dynamisante et relaxante mais à ne pas utiliser si risque d’épilepsie), la lavande officinale (apaisante, relaxante), le citron (stimulant psychique, tonique physique), l’orange (tranquillisante, favorise le sommeil), le romarin (stimulant général), l’ylang-ylang (équilibrante à la fois tonique et relaxante, stimulante sexuelle et intellectuelle).

Jane Price Doloir, Cadre de santé et formatrice / Sylvain Guillaume, Directeur
Géroscopie I N° 149 I mai 2023

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