Quand l’Ehpad adapte ses tarifs aux résidents vieillissants

Un établissement ardéchois propose un accompagnement personnalisé à ses résidents handicapés vieillissants et un prix de journée différencié. Explications.

La classification internationale du fonctionnement et de la santé ne considère pas « le handicap comme la cause d’une maladie mais comme une conséquence de celle-ci » . C’est ainsi qu’elle distingue les déficiences liées à une altération du corps, de l’apparence physique, d’une anomalie organique ou fonctionnelle ; et les incapacités, motrices, mentales ou immunitaires, qui sont le reflet dans la vie quotidienne de cette déficience. Le handicap décrit, quant à lui, la situation d’une personne présentant une déficience et pour laquelle la société n’a pu apporter de réponse adaptée.

Des caractéristiques propres aux personnes en situation de handicap

Le vieillissement des personnes handicapées produit des problématiques nouvelles et souvent non anticipées : engorgement des services par des usagers qui s’y immobilisent, créant le blocage des entrées et le « vieillissement des effectifs » ; perspective d’un surhandicap associé à l’âge des usagers ; surcharge de la structure économique étayant les prises en charge ; surcharge des aidants qui doivent assumer l’usure du temps (puisque la prise en charge dure maintenant une vie entière) tout en vieillissant eux-mêmes.

Des handicaps qui se cumulent avec l’âge

Le vieillissement ajoute de nouvelles problématiques physiques, intellectuelles, psychiques ou sensorielles aux difficultés déjà existantes et propres aux déficiences. C’est le problème des maladies chroniques survenant lors du processus de vieillissement normal qui ajoutent de l’incapacité à de l’incapacité et contribuent à vulnérabiliser encore davantage des personnes déjà fragilisées.

Les problèmes physiques sont plus fréquents (chez une même personne, dans un groupe de personnes), se cumulent, s’aggravent. On note également la survenue de pathologies psychiatriques et l’évolution des symptômes quand ils préexistaient, mais aussi la détérioration des capacités cognitives et des problèmes de caractère et de comportement.

Des incapacités qui augmentent

À partir de 75 ans, la différence avec la population ordinaire se restreint. Le besoin d’aide pour au moins une des activités de la vie quotidienne concerne 18 % de cette population contre

6 % de la population ordinaire. Pour les trois quarts des personnes qui n’avaient qu’une déficience intellectuelle ou mentale, des difficultés physiques apparaissent. Pour un tiers des déficients sensoriels, viscéraux ou métaboliques, une déficience intellectuelle ou mentale s’ajoute. La déficience psychique affecte 11 % de la population étudiée, contre 3 % en population ordinaire, et une forte corrélation s’observe entre l’apparition d’une déficience psychique et l’existence d’une déficience intellectuelle ancienne.

S’agissant de l’espérance de vie des personnes handicapées, les études confirment à la fois la surmortalité des personnes handicapées par rapport à la population générale, mais aussi des gains d’espérance de vie considérables dans les dernières décennies, y compris pour les personnes les plus lourdement handicapées.

Créer un environnement privilégié

La personne handicapée vieillissante a besoin d’un environnement adapté, protecteur et compréhensif, d’attention pour se sentir en sécurité mais aussi de patience d’une attention particulière. Il faut aussi développer des soins psychiatriques et des soutiens psychologiques qui intègrent les besoins propres des plus âgés. Cela nécessite la mise en place de nouvelles prestations : atelier thérapeutique, de stimulation cognitive, groupe-mémoire, groupe de parole ou encore soins palliatifs. Pour cela, il faut privilégier l’écoute, le dialogue, les soins relationnels, et permettre une assistance humaine de plus grande qualité pour les actes de la vie quotidienne (toilette, repas, continence, déplacement…).

Les familles et les aidants ont également besoin d’une écoute, d’un accompagnement, d’aide pour le présent et surtout pour affronter l’avenir et la question inévitable : « que deviendra mon fils ou ma fille quand je ne serai plus là ? »

Adapter les tarifs aux besoins

En avril 2013, la Commission nationale « vieillissement des personnes handicapées » du GEPSO a réalisé un état des lieux de l’accueil des personnes handicapées en Ehpad, pour recenser les besoins et les problématiques rencontrées.

Il y apparait qu’un quart des Ehpad (situés dans 14 départements) ont instauré une tarification différenciée personnes handicapées/personnes âgées. Plusieurs conseils généraux ont ainsi donné leur accord pour pratiquer cette différenciation, qui permet d’appliquer un tarif hébergement incluant la dépendance ou de mettre en place un sur-tarif s’ajoutant au tarif classique hébergement. Il permet de financer des adaptations de locaux ou de former les professionnels.

Le département de l’Ardèche a, quant à lui, permis à la Résidence Le Grand Pré de pratiquer un prix à la journée différencié de 14 euros en plus pour les résidents handicapés âgés de plus de 60 ans. Ce dispositif innovant favorise l’individualisation de l’accompagnement et constitue une reconnaissance du savoir de l’Ehpad auprès d’un public aux besoins spécifiques. L’établissement envisage d’augmenter le nombre de places dédiées. Un bilan annuel de l’accompagnement est demandé par le département pour évaluer le dispositif et sa pertinence.

Sylvain Guillaume
Géroscopie n°157 • mars 2024

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