Parmi les activités qui peuvent être proposées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, la réalité virtuelle figure est une des plus récentes. Elle vise à vivre une expérience d’immersion, dans un monde créé numériquement pour stimuler la mémoire ou l’imaginaire. Un temps d’échange est prévu après chaque séance pour exprimer ses émotions.
Depuis l’enfance, une des réponses à l’ennui ou l’humeur noire est de sortir de chez soi, pour se changer les idées, se promener, profiter de la nature ou de la ville. Cependant, les résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’ont pas toujours accès aux promenades en extérieur. Dans un contexte de dépendance, les balades virtuelles offrent une stimulation sensorielle et l’occasion de se concentrer sur des sensations agréables, de mettre entre parenthèses les maux, d’ouvrir son imaginaire, hors de toute contrainte physique liée aux déplacements.
L’Ehpad Le Grand Pré à Alboussière (Ardèche) travaille en partenariat avec la Résidence Beauregard à Vernoux-en-Vivarais (Ardèche) sur ce projet. La conférence des financeurs d’Ardèche a subventionné l’achat du matériel pour près de 9 000 €. La société Lumeen a été choisie pour son savoir-faire.
Équipement
Le casque de réalité virtuelle peut être proposé à tous les résidents, dépendants ou pas. Il donne à voir des environnements graphiques de qualité. En effet, le casque englobe tout le champ de vision pour favoriser une atmosphère immersive, à la différence d’une projection sur écran. Le fait de porter des appareillages (lunettes, prothèses auditives) n’est pas gênant en raison de l’ergonomie du matériel. Cette technologie projette une petite image pour chaque œil, et le cerveau les rassemble pour les transformer en une vision 3D. Un casque audio diffuse une atmosphère sonore synchronisée pour rendre l’expérience multisensorielle et favoriser l’immersion dans l’univers proposé.
Les voyages virtuels sortent ainsi les résidents de la monotonie du quotidien et les aident à se sentir moins enfermés. Ils contribuent à une relaxation profonde ou à des sensations plus intenses selon ce qu’ils ont choisi de faire.
Le but de la réalité virtuelle
Le but de la réalité virtuelle est de permettre à un résident (ou à plusieurs avec les trois casques) de vivre une expérience d’immersion, c’est-à-dire de mener une activité thérapeutique et cognitive dans un monde créé numériquement, qui peut être la visite d’un pays, une expérience dans les airs, une balade dans les montagnes ou bien des visites avec des animaux, etc.
Du point de vue cognitif, son intérêt se trouve plutôt dans l’orientation et la mémorisation spatiale. Le résident est invité à raconter ce qu’il a vécu au cours de cette expérience et à décrire ses sensations, ce qui favorise le lien social et l’interactivité avec l’animatrice mais aussi avec les résidents présents.
Selon la société Lumeen, les effets les plus marquants sont : la régression de la douleur (jusqu’à –83 %), de l’anxiété (jusqu’à –73 %), la diminution de la consommation de médicaments opioïdes (jusqu’à –40 %).
La réalité virtuelle au sein de l’Ehpad
Un premier bilan de cette activité a été établi pour l’année 2023 : 111 séances s’échelonnant du 25 avril au 12 septembre 2023 ont eu lieu dans l’établissement et 28 séances du 27 novembre au 14 décembre 2023. Quarante résidents ont profité de l’atelier : selon le nombre de casques disponibles et la demande, les séances étaient individuelles ou à deux ou trois.
Une séance dure entre 7 et 12 minutes, suivie d’un échange avec l’animatrice pour évoquer l’environnement que les participants ont virtuellement traversé, leurs ressentis et les souvenirs que cela leur a évoqué.
La moyenne d’âge des 40 résidents ayant profité de la réalité virtuelle est de 86 ans. Leur degré de dépendance était respectivement pour 23 d’entre eux cotés groupe iso-ressource (GIR) 1 et 2, pour 17 autres GIR 3 et 4.
Quatre d’entre eux n’ont pas du tout adhéré à l’atelier ; ils ont été rapidement pris d’une sensation de nausée et certains résidents ont ressenti des symptômes très inconfortables, sensation de malaise, maux de tête, fatigue et vertiges. Mais la majeure partie ont apprécié cette activité et sont très demandeurs pour y participer à nouveau.
Ce qui plaît vraiment aux résidents dans les ateliers de réalité virtuelle c’est d’une part, la découverte “sans prise de risque” de sortir, qui constitue toujours un défi pour les plus dépendants et pourrait les stresser, d’autre part, la visite des lieux qu’ils ne pourront jamais visiter en raison de leur dépendance ou du coût financier, même si cela pourrait faire partie de leur projet de vie. Les retours d’expérience des résidents qui y participent témoignent à plus de 95 % de leur très grande satisfaction ; ces derniers ont largement validé cette nouvelle technologie.
En plus des contenus d’évasion, d’autres modules thérapeutiques peuvent s’intégrer dans une démarche de prise en soins non médicamenteuse en Ehpad :
• le module relaxation permet de détourner l’attention de la douleur et de l’anxiété en combinant des environnements visuels relaxants, une ambiance sonore basée sur la musicothérapie et un accompagnement verbal hypnotique. Ce programme a été conçu en collaboration avec des experts hypnothérapeutes des Hospices Civils de Lyon (Rhône) et peut aussi être utilisé pour offrir des moments de relaxation aux soignants pendant les pauses et agir sur la qualité de vie au travail ;
• le module réminiscence ouvre les portes du monde entier et permet d’offrir des expériences personnalisées comme replonger une personne dans le quartier de son enfance pour raviver ses souvenirs et sa mémoire. Cela aide aussi les soignants à retracer l’histoire de vie des résidents.
Conclusion
Nous avons observé, chez les résidents des deux Ehpad concernés, une réduction des troubles du comportement, une curiosité développée grâce à ces outils. La possibilité d’être en immersion dans des pays que les participants n’ont jamais visités favorise l’envie de découverte à tout âge.
La réalité virtuelle apaise donc les symptômes dépressifs, stimule les fonctions cognitives, ravive les souvenirs et encourage la communication. Elles favorisent le bien-être, le lien social et l’accès à la culture. De ce fait, la réalité virtuelle fait partie des thérapies non médicamenteuses qui permet de soulager certains maux.
Les ateliers de réalité virtuelle doivent, en effet, être menés en complément d’autres animations telles que les activités physiques adaptées avec des innovations possibles par exemple la boxe, l’escrime, le basket adaptés au grand âge et à la dépendance, la luminothérapie, la musicothérapie, l’aromathérapie, etc. À ce titre, la réalité virtuelle n’est pas une activité ou une simple animation, c’est un soin, même si la frontière entre animation et soin devient de plus en plus complexe en Ehpad. La palette de prise en charge et d’accompagnement non médicamenteux s’est ainsi fortement enrichie dans les deux établissements ; l’objectif est de croiser leurs résultats.
ScienceDirect.com • 03 septembre 2024